Un bol d'air marin...

Cela faisait longtemps, très longtemps. Trop, peut-être? Un peu de repos l'aurait aidé à se remettre les idées en place. Peut-être que l'air marin allait l'aider à tout remettre en place, sans remettre en question...
Assis sur le bord de la falaise, les jambes balançant dans le vide, Araichi pensait. Jin-Ryu, à ses côtés, ne savait que faire. Assis calmement, il regardait son maître, l'air compatissant. Ce dernier ne souriait pas, ne pleurait pas. Jamais une seule fois dans sa vie il n'avait fait couler de larmes. Jamais une seule fois il n'avait extériorisé autre chose que le bonheur d'être avec sa petite soeur. Niisan, qu'elle se plaisait à l'appeler. Et ces ordures de l'Ogma qui avaient voulu, pour sa première mission en tant que Gilgamesh, qu'il s'en débarasse.
Fumiers... Rien qu'en y repensant, le laboratoire des scientifiques dût s'affoler. Une telle montée de rage n'était pas courante chez lui, et il fallait impérativement la contrôler, pour préserver la neutralité d'Araichi. Finalement, pas besoin de cela, puisque Konosoke-kun se calma de lui-même. Allons bon, aujourd'hui, c'était passé, et pour sa petite soeur, il n'avait pas le droit de s'énerver. N'ayant jamais aimé sa soeur autrement que comme sa petite soeur, il se demandait pourquoi elle avait décidé de se vouer à d'autres sentiments.
Puis, quelques instants plus tard, il récita quelques lignes d'un ouvrage qu'il avait lu. Aucun rapport avec sa soeur, mais un rapport avec lui...

"Tout, dans ce monde, n'est que tristesse et désolation. Les gens, si tant est qu'ils se rendent compte de la chance qu'ils ont d'être en vie, sont pires que des barbares. Ils volent, pillent, violent. Sans relâche, et sans pitié. En ces temps de révolution, chaque personne lutte pour sa vie.
Ces brigands, qui ont été tués sous mes yeux, sont des brigands, mais ce sont avant tout des humains. Eux aussi cherchaient à survivre. Dans ce monde, la tristesse est bien présente. Et cette tristesse est dans le fait que pour vivre, il faut tuer. Encore et encore. Jusqu'à une ère nouvelle..."

Se souvenir de ce passage lui faisait plaisir, c'était sans doute ce qui le faisait le plus sourire. Avec une certaine amertume. Car, au delà de la fiction, cet écrit était vrai de bout en bout sur la situation actuelle. Il était un membre des Gilgamesh, qui ne remettait pas en question l'Ogma, mais qui finalement se demandait pourquoi lutter contre des personnes appeurées, des lapins, que l'on a laché dans la cage aux fauves, avec pour seule défense leur nombre.
Alors, dans l'air marin, il trouva ce qu'il cherchait. Certaines réponses, qui amenaient des questions. Ce cycle éternel de la vie. Le soleil était bas, les rayons encore doux, avant qu'il ne tape comme une braise à laquelle on jetterait du bois, pour que le feu s'amplifie. Ainsi, il trouva cette réponse. La vie est telle qu'aujourd'hui il est un Gilgamesh, chargé de tuer, et de devoir éliminer, si l'ordre était donné, et l'acte nécessaire, ces êtres, qu'il devait être le seul à apprécier : Les Faucheuses...

Jin-Ryu semblait s'agiter. Araichi avait pris deux armes, mais par sécurité, il ne sortit que son Magnum, se retournant vers cette forêt, où le loup avait senti une présence. Il y avait quelqu'un, il en était sûr... Mais on ne lui voulait pas de mal...

Une silhouette juchée sur d'énormes bottes cloutées émergea de la forêt, avec dans la main gauche une faux qui la dépassait de deux têtes : c'était une demoiselle aux longs cheveux noirs à la raideur miroitante, aux yeux sombres et à la peau mate, vêtue d'une minijupe qui dévoilait ses jolies gambettes, et d'un chemisier blanc comme ceux des uniformes nippons. Elle regarda à droite à gauche, et finalement vers le Gilgamesh d'un air interdit.

" Tu es tout seul? " s'exclama t-elle en japonais, autant surprise qu'apparemment ravie tout en s'approchant pour finalement n'être plus qu'un un ou deux mètres d'Araichi.

Repoussant avec grâce une mèche derrière son oreille droite, Maya sourit gentiment et inspira le bon air marin, le visage serein et doux : trouver un Gilgamesh dès sa première sortie dans l'île… Quelle chanceuse elle faisait! Aya serait sûrement très impressionné lorsqu'elle le lui dirait.
Faisant passer sa faux derrière son dos, comme une majorette l'aurait fait avec son bâton, l'adolescente observa son nouvel interlocuteur de ses prunelles noires et profondes : il n'avait pas l'air méchant. Un peu désespéré peut-être, un peu paranoïaque sûrement… Il était accompagné d'un très beau loup et tenait une arme. Mais sûre d'elle, la jeune japonaise s'était tout de même approchée : effectivement, les armes ne risquaient pas de lui faire grand mal : même si elle avait souffert pour en arriver à ce résultat, être une faucheuse avait néanmoins de nombreux avantages…

" Moi aussi je suis toute seule… " murmura t-elle d'une voix vibrante, dans un anglais émaillé d'une pointe d'accent, en baissant un peu les yeux.

En ce moment, elle songeait à son frère, à Aya : elle ne comprenait pas pourquoi les dirigeants de l'Ogma avaient refusé que tous deux sortent en même temps des locaux, et surtout, elle ne savait pas la raison de leur séparation sur l'île… Ils étaient plus forts à deux que séparés, alors où était le point? De plus, leurs pouvoirs étaient complémentaires, autant que leurs faux, construites sur mesure pour correspondre au style de combat de la fratrie. Relevant les yeux et les posant sur la mer, elle poussa un long soupir : elle avait longtemps attendu d'être "lâchée" dans l'île afin de partir à la chasse, mais depuis ce matin 2 heures qu'elle la parcourait de long en large, elle n'était tombée que sur un seul survivant, à qui elle avait d'ailleurs arraché le pouvoir avant autant de facilité qu'on aurait volé sa tétine à un bébé.
Un rayon de soleil aveugla légèrement Maya qui cligna rapidement des paupières : elle n'aimait pas le soleil et préférait officier la nuit. N'appréciant pas passer des heures à combattre, elle aimer prendre les gens par surprise et expédier rapidement son affaire, ne supportant pas les cris et autres invectives habituellement lâchées par les gens bien réveillés qui se rendaient compte de leur fin proche. Si la jeune fille était née à une autre époque, elle aurait certainement été kunoichi, de celles qui travaillent dans l'ombre protectrice… Mais non, cela n'aurait pas collé puisqu'Aya aurait préféré vivre le jour, et faire un métier moins fourbe. Et comme Maya refusait d'être séparée de lui…
Toute à sa réflexion, elle avait totalement oublié Araichi et son loup et semblait perdue dans ses pensées, loin de la folle hystérique si bien connue des services de renseignements et des instructeurs de l'Ogma.

Une silhouette féminine s'en dégageait. Avec une faux...
Ce n'était en fin de compte qu'une Faucheuse. Et il ne la connaissait pas. Qui était-elle? Son visage ne lui disait rien. En six ans à l'Ogma, il ne se souvenait pas d'elle. De toutes les autres, oui, mais pas elle...
Il n'y avait pas de danger, pensait-il, en rangeant son Magnum. Quelque peu pensif, on aurait pu le prendre pour un suicidaire, prêt à faire le grand pas pour quitter cette terre de fou. Après tout, il y avait de quoi devenir fou sur cette île, où tout le monde pouvait mourir, sous la faux des "spécimens". Et celle-la particulièrement lui rappelait sa soeur...
Lorsqu'elle s'exprima en japonais, l'étonnement fut très grand chez Araichi. Jamais il n'avait entendu quelqu'un lui parler en japonais. En fait, personne, à part sa soeur, ne lui parlait en japonais. Ceux qui le voyaient le pensaient trop "européen" pour parler la langue natale.Et pourtant, ce fut la langue qu'il avait appris le plus rapidement, avant l'anglais même. Et pour lui répondre, il utilisa lui aussi le japonais, avec pour simple réponse

"Je ne suis jamais seul. Mon ami, Jin-Ryu, m'accompagne partout. Et je n'ai pas trop besoin de me sentir seul. On dit... Que c'est souvent en pleine foule que l'on est le plus seul. Je pense cela, aussi. Alors, non, je ne suis pas seul..."

S'il semblait triste, il était juste neutre. En répondant, il n'utilisa pas le moindre ton d'énervement,de leçon ou autre. Pour lui, il ne faisait que répondre à une question. A présent, il devait songer à être plus discret. Sortir armé, accompagné d'un loup, et surtout se retourner avant même que la personne n'apparaisse... Seuls les Gilgamesh pouvaient faire cela. Pas les simples survivants, ou même les membres d'unité affiliés à l'Ogma. Alors, pour dissimuler son jeu, il devait sortir sans arme, et attendre le dernier moment pour réagir. Et ne pas rester ausi neutre. Ce qui le trahissait bien souvent. Alors, comme si elle l'avait aidé à se débloquer, il ajouta, après l'avoir entendu s'exprimer avec son accent, qui était tout ce qu'il y a de plus charmant, ces quelques mots

"Etre seule ne signifie pas se sentir seule. Si tu as quelqu'un à qui penser, alors tu n'es pas seule. Moi, je pense à ma soeur. Pour ne pas être seul. Dis moi, jeune faucheuse, quel est ton nom?"

Il semblait à présent y avoir plus de chaleur dans sa voix, plus de gentillesse, mêmesi cela pouvait sembler insuffisant. Et, la voyant comme perdue dans ses pensées, il sourit. Car lui-même devait être comme cela, bien souvent, et tout à l'heure même, avant qu'elle n'arrive...

La "jeune faucheuse" eu un sourire à l'expression intraduisible : simple marque de gentillesse ou…

" Maya, je m'appelle Maya. "

Elle avait été un peu surprise d'entendre son interlocuteur s'adresser à elle en japonais, mais finalement, c'était agréable. De toutes les faucheuses, excepté Aya, elle était la seule à s'exprimer dans sa langue natale (et donc pas en anglais), et cela lui permettait de se constituer une petite bulle…

" Si tu était seul. Physiquement tu l'étais en tout cas, je voulais dire au niveau de la présence humaine, mais maintenant, je suis là! Je n'insinuais pas que tu ne pensais à personne, même les Gilgamesh ont un cœur…" fit-elle moqueuse.

Si Maya le pensait, aucune idée, mais elle avait eu l'air sincère dans ses paroles… De toute façon, quiconque la connaissait un minimum savait qu'il ne fallait pas lui faire confiance : toujours prête à vous sauter dessus lorsque les barrières tombent, l'adolescente n'était pas une tendre et ce n'était pas les cadavres qu'elle avait laissés derrière elle qui auraient pu dire le contraire. Les choses étaient étranges tout de même : qui aurait pu imaginer que derrière une si jolie apparence se cachait un bourreau, un monstre sanguinaire et détestable?

" Il est mignon ton chien… Il s'appelle Jin-Ryu donc. Quand j'étais petite, j'avais un chien moi aussi, je crois, mais je… "

Elle fronça les sourcils et tapota sa faux de ses ongles nacrés.

" Je ne sais plus comment il s'appelait. En fait, je ne sais même plus à quoi il ressemblait. C'est bizarre hein… "

Sujette à d'importantes pertes de mémoire, Maya les vivait sans vraiment y mettre de ton tragique : de toute façon, qui avait besoin de souvenirs inutiles comme le nom d'un chien ou la couleur de la première voiture de papa? Pas elle en tout cas. Peut-être Aya était-il attaché à ces choses, et c'était la raison pour laquelle il tentait de préserver le maximum de souvenirs dans la caboche de sa sœur.

En ce qui concernait le loup accompagnant son interlocuteur, la jeune japonaise avait dit "chien", parce que pour elle, un loup apprivoisé en était un, de chien. Elle ne savait pas si cela avait froissé son maître, mais bon, si on passait son temps à occulter la vérité pour faire du politiquement correct… on ne s'en sortait plus.

Finalement, Maya mit sa faux en avant sur laquelle elle s'appuya d'un air rêveur.

" Au fait, comment tu t'appelles? Attend non, ne dit rien. De toute façon j'aurais oublié dans deux heures alors ne gaspille pas ta salive. "

Elle eu un nouvel air moqueur et passa une main dans ses mèches luisantes, sans quitter Araichi du regard.

La jeune faucheuse le faisait sourire. Elle semblait différente des autres. Souriante, pourtant aussi dangereuse, sans aucun doute. Lorsqu'elle lui dit son nom, il fit un signe de tête, qui disait : "Enchanté, Maya.". Seulement, il ne parlait pas. Regardant le soleil se lever, pour qu'après celui-ci ne lui déchire la rétine de ses yeux. Comme d'habitude. On lui avait pourtant dit qu'il ne devait pas regarder les levers oucouchers de soleil, s'il tenait à la santé de ses yeux, mais c'était pour lui le seul moment où il pouvait réfléchir.
En entendant les paroles de Maya, il put à peine étouffer un rire, avant de reprendre son air sérieux, et de répondre, d'un air moqueur à son tour, comme pour provoquer la jeune femme

"Si on devait parler de présence humaine, alors je suis encore seul. Et, même physiquement, ce loup est plus humain que toi. Sans conteste. Et même si j'avais un coeur, je n'en ai que faire. Je suis un membre de l'Unité Gilgamesh, comme tu l'as remarqué. Et je suis ici dans le but de vous calmer s'il le faut..."

Ses paroles n'avaient rien de méchant. C'était plus comme un devoir de dire ces mots, pour que la jeune faucheuse ne prenne pas confiance. Néanmoins, il souriait toujours. Et voir Araichi sourire plus de cinq minutes était très rare. Ce n'était en fait jamais arrivé, depuis qu'il était à l'Ogma. Et cela ne le dépaysait pas. A vrai dire, elle devait être la seule à le voir sourire. Mais état donné qu'elle ne l'avait surement jamais vu auparavant, elle ne le savait pas. Il ne se méfiait pas decette Faucheuse. En fait, il leur accordait plus de crédit que les membres de son unité. Pour lui, même si Frozen avait de quoi être une personne de confiance, il n'en restait pas moins un ancien espion. Alors il lui donnait de la confiance, mais ps trop, de 'peur' d'être trahi. McFadden était une inconnue, etil n'appréciait pas beaucoup Shoei. Et cela devait être réciproque.

Lorsqu'elle lui parla de son chien, même réaction que tout à l'heure. Un rire étouffé, puis il commenta

"Un loup reste un loup. On ne l'apprivoise pas, on en fait un ami. Pour moi, Jin-Ryu n'est pas un animal de compagnie, pas un vulgaire chien. Il est pour moi plus important que toi. Et tu pourrais même être ce chien dont tu parles..."

Bien sûr, il avait exagéré sur sa dernière phrase, mais c'était bel et bien volontaire. En fait, les faucheuses n'étaient que des chiens apprivoisés, et les Gilgamesh leurs maîtres. Les seuls capables de les calmer. C'était la réalité de Glyn Ruadhan...

En la voyant posée sur sa faux, lancée dans une douce rêverie, Araichi se leva, et s'approcha. A présent en face d'elle, il la regardait dans les yeux, et ajoutait, après plusieurs secondes à ne rien faire

"Konosoke Araichi. Souviens-toi de ce nom, car aujourd'hui, Maya, c'est moi qui te surveille. J'espère que cela te fera plaisir..."

La relation, ambigüe, entre Faucheuses et Gilgamesh, se dessinait peu à peu, mais Konosoke semblait attaché à celles-ci. Son unique occupation, peut-être...

Le visage incliné sur le côté, Maya écoutait cet homme qui semblait attaché à son chien plus qu'à l'humanité entière. Un sourire pétillant accroché aux lèvres, elle tira la langue.

" Oui, je suis un chien, si tu veux. Mais un chien génétiquement modifié alors. "

Elle avait accepté sa servilité à l'Ogma depuis belle lurette : tous les humains étaient enchaînés entre eux, par eux… Alors un peu plus un peu moins… Le tout, c'était d'en être conscient.

" J'essayerai de ne pas oublier, mais j'ai une petite tête : si après s'être quittés aujourd'hui on se revoit demain et que je ne sais plus qui tu es, il ne faudra pas m'en vouloir Arai-kun. "

Oublier… Cela ne dérangeait pas la jeune faucheuse outre-mesure : au contraire, il y avait tant de choses qu'elle voulait oublier… Mais évidemment, ce n'était jamais les bonnes. C'était comme lorsqu'on mettait un piège spécial pour attraper un certain type d'animaux, et qu'au final, on récoltait tout un tas de bestioles sauf celle que l'on désirait. La même frustration, sauf que dans le cas de Maya, il y avait la douleur avec. Elle avait vraiment souffert au point de vouloir mourir lorsque son organisme avait commencé à réagir à la Bombe H, et cette souffrance lui avait un peu fait perdre les pédales.

" Tu as dit que ton chien était plus humain que moi… "

Fronçant les sourcils, la japonaise promenait doucement ses mains sur sa faux, sur son trésor : qu'est-ce que ça voulait dire "être humain"? D'après elle, être un "être humain" permettait juste à une race plus développée intellectuellement que les autres de se justifier quant à sa domination du monde.

" Quelle insulte… Pour le chien je parle. Moi ça ne me gêne pas d'être… un truc, un quelque chose, un ce que tu veux. De toute façon au point où on en est tous, qui peut se vanter d'être encore "humain". "

A nouveau moqueuse après son élan philosophique, Maya se détourna d'Araichi et lui présenta son dos.

" C'est toi qui me surveille… D'accord. Mais laisse moi te dire que tu es mal tombé. "

Lui refaisant face, elle sourit simplement.
Sans vraiment réfléchir, elle avait engagée la conversation avec le Gilgamesh, alors que d'habitude, elle refusait de se perdre en bavardages inutiles : mais ce matin, elle ne l'avait pas fait. Peut-être à cause de l'air frais et agréable de la mer en contrebas, peut-être parce qu'elle était satisfaite d'avoir capturé un pouvoir, peut-être parce qu'elle savait qu'Aya allait bientôt arriver pour lui tenir compagnie... En fait, elle ne le savait pas elle même, mais les choses qu'elle pouvait se vanter de connaître étaient tellement limitées...

Jin-Ryu était le seul ami qu'Araichi avait. A vrai dire, il n'avait jamais cherché à s'en faire, de toutes façons. Après tout, les êtres humains étaient les pires animaux. La preuve en était l'Ogma, et lui-même, qui en faisait partie.
Le jour de l'explosion de la bombe H, il avait assisté, impuissant, à la fin du monde. Il n'avait rien pu faire, à part obéir au vice-président. Et finalement, il n'avait rien d'humain. Pas plus que les animaux. Et Jin-Ryu avait tous les aspects positifs de l'humanité : Loyauté, écoute et aide. Ce qui ne se trouvait plus ici. Hélas...
La remarque de la jeune Sinclair le fît sourire. Après tout, elle n'avait pas entièrement tort. Mais les Gilgamesh, dans le genre génétiquement modifiés, étaient pas mal dans le genre non plus. Alors, pour répondre simplement à Maya, il répondit avec quelques mots

"Maya, Maya... Plus aucun humain n'est sur cette planète. La seule humanité encore acceptable est celle que nous devons supprimer, et je fais allusion à cette humanité. Celle qui a encore préservé un semblant de bon. Celle que l'on ne trouvera jamais au sein de l'Ogma. Celle que nous avons perdu, en entrant dans cette société maudite."

Ses mots étaient sincères. Et c'était sans doute ce qui le faisait le plus douter de son utilité ici. Mais un soldat restait un soldat, même avec ses doutes. Et un soldat était inutile lorsqu'il ne faisait pas son travail parfaitement. Ce qu'il faisait, depuis son entrée dans la corporation.
Apparemment la jeune faucheuse avait une petite tête. Il le concevait aisément, puis sourit, une idée machiavélique lui passant par la tête. Si elle pouvait oublier un prénom en aussi peu de temps...

"Dis moi, as-tu oublié ton premier baiser? Puisque ta tête est si petite. Ou alors tu n'en as jamais eu. Après tout, tu ne dois pas dépasser la majorité. Une enfant, à qui on a placé une arme et la mort dans les mains... Et après cela, ils nous demandent de vous descendre en cas de problème. Mais comment réussir, face à des gamins..."

Son regard redevenait neutre. Triste, d'après certains. Il n'avait pas envie de tuer les faucheuses, car elles étaient la seule famille qu'il portait dans son coeur. Et cette Maya semblait si machiavélique. Se servant de sa douce apparence physique pour appâter les pauvres stupides, qui seraient piégés, et anéantis par la Faucheuse. Mais en même temps si abordable, si gentille.
Peut-être avait-elle perdu confiance en l'humanité. Peut-être avait-elle été blessée par un proche. Ou peut-être était-elle attachée à quelques personnes, à tel point que les autres semblaient insignifiants...
Le soleil dressait à présent une douce lumière jaunâtre, qui succédait à l'orange de son lever. Il se levait peu à peu, mais il restait encore une bonne heure avant qu'il ne commence à brûler les gens. Alors Araichi s'allongea, posant sa tête sur une pierre, qui la relevait un peu. Etrangement, l'air était très frais. Et Araichi se sentait seul. Peut-être parce que cette fillette lui avait ouvert les yeux. Peut-être parce qu'il n'avait pas souri depuis très longtemps, et elle avait réussi à le faire rire même...

"Je suis heureux de tomber sur toi. C'est dingue, ce que ca peut être interessant une faucheuse... Je les connais toutes à part toi, et un autre qui... Oh je vois. L'autre est ton frère, c'est ça? Il te ressemble comme deux gouttes d'eau. Et étrangement, cela le valorise plus qu'autre chose. Hum, j'ai entendu un tas d'infirmières perdre leur sang froid en le voyant. C'en était tellement comique..."

Lui? Jaloux? Jamais. Il n'était pas le genre à envier quelqu'un pour une popularité ou autre. Mais il l'enviait surtout car il avait une soeur qui était vivante. Et rien que pour cela, il aurait aimé être à sa place...