Faisons trempette

Elliott se baladait dans la jungle, s'amusant à grimper dans les arbres et sautant de branche en branche. Sa faux, retenue dans son dos par des lanière de cuir, le gênait un peu dans ses mouvements, mais la faucheuse commençait à avoir l'abitude de se déplacer avec son arme. Il le fallait bien, et de plus, ce genre d'exercice faisait souvent partie de son entraînement personnelle. De toute manière, ce n'était pas ça qui allait l'empêcher d'aller faire joujou dans la jungle. Elliott n'aimait pas s'ennuyer, ainsi, ses balades en pleine forêt tropical le divertissait un peu.

Il arriva à la moitié de la jungle, là où se dressait une immense chute. Le jeune homme avait beau avoir l'habitude d'y venir, il trouvait cela impressionnant chaque fois. C'était sans doute du au fait qu'avant la GE, il n'avait jamais vu de nature aussi sauvage, ne connaissant que la ville et ses ruelles. Mais son nouvel environnement lui plaisait beaucoup, il y avait toujours pleins de surprises et d'imprévus.

Il sauta en bas de l'arbre où il se trouvait, atterrissant tout près du cours d'eau qui séparait la jungle en deux parties. Après avoir admiré le décor, il détacha sa faux et s'assit, déposant son arme sur ses genoux. Ses pieds se glissèrent dans l'eau, et Elliott frissonna à son contacte. Son touché était si développer, il avait encore du mal à s'habituer à toutes ces nouvelles sensations qu'il ne connaissait pas. Ses pieds pouvaient sentir tous les courants qui passaient près de ceux-ci. Il ferma les yeux pour savourer ces caresses.

Et puis, un bruit qui n'avait pas sa place dans une nature aussi sauvage attira son attention, et il ouvrit les yeux d'un coup. Il retira ses pieds de l'eau, pour ne pas être déconcentré par ses mouvements, et écouta encore. Il sentit aussi un odeur, celui d'un humain. Un mince sourire apparut sur les lèvres d'Elliott, alors que ses yeux verts brillaient de malice.

*Quelqu'un apporche? Choouueette!*

Il aggripa sa faux, juste au cas.

[Shoei]

En se dirigeant vers le quartier général de l’Ogma, Shoei fit un détour par la cascade, morte de chaleur. Elle espérait pouvoir se rafraîchir un peu le visage, se faire tremper les pieds, que ses sandales avaient meurtris. Marchant à travers la brousse, qu’elle écartait à coups de pieds ou de bras, le lointain ruissellement de la chute d’eau. Elle n’était plus très loin. À mesure qu’elle avançait, le bruit s’intensifiait, jusqu’à devenir un bourdonnement qui ne lui faisait plus rien entendre. Lorsqu’elle écarta enfin la dernière fougère gigantesque, elle ne tomba pas nez à nez avec n’importe qui.

« Crow. » constata-t-elle, sans grande émotion.

En effet, sans émotion. Elle ne connaissait Elliott Crow que comme une expérience de laboratoire menée par ses supérieurs, et pas autrement. Contrairement à ce qu’elle pouvait penser des survivants, les Faucheuses ne l’affectaient pas du tout moralement. Shoei était la mieux placée pour savoir qu’elles avaient d’innombrables moyens de défense, contrairement aux rescapés. Entre autres, leur agilité hors du commun et leur facilité de maniement de la faux. Mais elle n’avait jamais eu peur d’eux, en tant que leur ceinture de sécurité, les empêchant de faire des bêtises de leur don.

« Tu n’étais pas en train de faire une connerie, j’espère. » lui dit-elle, en le regardant d’un air menaçant. « Je préfèrerais que tu restes tranquille. » poursuivit-elle, en s’accroupissant près de la petite rivière.

Shoei remonta les manches de sa redingote en coton foncée, et plongea ses mains dans l’eau fraîche avant de s’éclabousser le visage. À moitié revigorée, elle trempa de nouveau ses doigts dans l’eau, écarta le col de son manteau long, et rafraîchit aussi sa nuque, sans vraiment faire attention de ne pas mouiller ses cheveux. Le visage ruisselant, elle se releva, et l’essuya avec un pan de sa manche. Elle regarda Elliott, en attendant qu’il justifie sa présence.

Un large sourire apparut sur le visage du jeune homme, reconnaissant l'une des Gilgamesh. On ne pouvait pas dire qu'il la connaissait personnelement l'asiatique, mais il aimait bien voir des visages qu'il connaissait. Il bondit sur ses pieds nus, qui suivaient la courbe de la pierre sur laquelle il se trouvait, et se servait de sa faux comme appuie pour avoir plus d'équilibre. Il tendit la main et fit une révérence très théatrale pour saluer la jeune femme.

"Mais bien sûr que non, miss. Quand est-ce que je fais des conneries, moi? Hein? Je suis un vrai petit ange, moi!" Dit-il en joignant ses mains et levant les yeux vers le ciel, avec un sourire innocent.

Elliott éclata d'un rire moqueur en plaquant ses mains sur ses hanches. Il adorait nargué les gens d'Ogma en les laissant douter de la confiance qu'il devait accorder au jeune homme. Il n'avait jamais rien fait contre la société. En fait, il aimait bien jouer au rat de laboratoire, et puis, ses nouveaux dons lui plaisaient beaucoup. Il n'allait pas se plaindre de sa nouvelle vie, qu'il voyait surtout comme un jeu.

Il baissa son regard sur son pied. Un insecte venait de le frôler. Il le chassa d'un coup, avant de se laisser retomber sur son rocher et remettre ses pieds à l'eau. Encore ce frisson, qui le fit sourire cette fois. Il jetta un coup d'oeil à Shoei, amusé. Il l'observa un moment, et haussa les épaules.

"T'es pas obligée de me coller au dernière pour surveiller tout ce que je fais, hein. Y'a déjà des caméras qui le font. Je fais que me détendre un peu, m'amuser quoi. Y'a pas une clause dans mon contrat qui dit que j'ai pas le droit de prendre un peu de bon temps dans ce petit coin de paradis, hein? Je m'occupe comme je peux, en attendant qu'on me dise ce que j'ai à faire."

Le rire moqueur d’Elliott l’énerva un peu, et un moment, lui donna l’envie de le corriger. Mais elle se reprit, sagement. Shoei ne remarqua pas la bestiole qui agaçait le pied d’Elliott, occupée à détailler la forêt, dont la faune et la flore avaient muté pour donner une île incroyablement peu sécuritaire pour n’importe quelle personne mal informée. Lorsqu’il se laissa retomber sur sa pierre et de tremper ses pieds dans l’eau, Shoei l’observa, détaillant tous ses faits et gestes. Ce qu’il dit fit apparaître un rictus ironique sur les lèvres de Shoei, qui ne put s’empêcher de répondre.

« Écoute bien, p’tit démon, c’est une partie de mon travail de veiller à ce que vous foutiez pas la merde partout, toi et tes semblables. Et j’te colle pas au derrière, c’est une coïncidence si je suis ici. J’m’informais, c’est tout. » commença-t-elle, l’air de rien. « Y’a pas de mal à ce que tu t’amuse, tant que tu ne traumatises pas les survivants. Ils sont déjà assez effrayés comme ça. » poursuivit-elle, toujours impassible.

Elle resta silencieuse un moment. Quand Elliott lui dit « ce que j’ai à faire », Shoei se rappela la raison qui l’avait poussée à s’infiltrer dans la jungle. Elle avait à rencontrer le reste de l’Unité et le Vice-Président pour un briefing de mission. Shoei hésita, puis se dit qu’il n’y aurait pas de mal à ce qu’elle reste un peu. Elle était toujours la dernière à arriver aux réunions, et ça ne l’avait jamais rendue malade.

« J’ai l’impression que ça devrait venir bientôt. » dit-elle, sans vraiment s’adresser à Elliott, même si la réflexion lui était destinée.

[Sorry, pas très long *crève*]

L'appelation de "p'tit démon" amusa beaucoup le jeune homme, qui eut un petit rire. Mais il perdit le reste de la phrase, parce qu'un autre insecte venait de lui grimper sur la main. C'était beau d'avoir des sens surdévelopper, mais il avait souvent du mal à se concentrer pour plusieurs choses à la fois. L'insecte quitta sa peau par le vol, mais Elliott la rattrapa, sa vue et sa rapidité lui permettait d'attraper n'importe lequel de ces insectes au vol. Merci Ogma! Il sentait le sang circuler dans la petite bête, et la voyant se préparer à planter ses mandibules dans sa peau, la faucheuse l'écrasa entre son pouce et son index. Il eut une grimace de dégoût en sentant et voyant le sang de la bestiole couler, et il se dépecha de se laver les doigts dans l'eau.

Malgré toute sa petite histoire pour un simple insecte, il réussit à entendre la fin de son petit discours. Ce qui lui décrocha un second petit rire un peu provocateur.

"Traumatiser les petits survivants? Ha ha, c'est pas mal comme idée ça... C'est sur que vous les balancez comme ça, sur une terre hyper hostile qu'ils ne connaissent pas, avec des espèces d'animaux, et de plantes, mutants, sans rien, pas d'aide. Vous auriez du affecter des membres de l'Ogma spécialement pour les guider, les aider à se faire un nid, avant de les laisser se débrouiller. À moins que ça fasse partie des tests, ça, de voir comment ils s'adaptent et réagissent à un monde qu'ils ne connaissent pas, comment réagir à la peur. Je veux bien être l'origine de leur peur, moi." Dit-il amusé.

"Mais tu sais, à mon avis, même si j'allais faire mumuse avec eux, je crois pas que je les effrairais longtemps, si je la joue gentil. Il ignore notre existence, l'existence des faucheuses. Il ignore le danger que nous sommes. Si on arrive à gagner leur confiance, ce qui ne devrait pas être difficile vu leur état de panique, ça ne peut que nous faciliter la tâche. Je me fais passer pour un indigène, je gagne leur confiance, et si j'ai à m'attaquer à eux, je suis déjà chez eux. C'est un peu comme la bombe H. Personne ne se doutait de rien. Ils ne se douteront de rien, parce qu'ils sont trop occupés à survivre."

Elliott trouvait son idée pas mal du tout. Et puis, même si la miss de Gilgamesh ne l'acceptait pas, il ne s'empêcherait surement pas d'aller jetter un coup d'oeil à ces petits bêtes paniquées. Au moins pour les observer, pour connaître le terrain. Il avait très hâte de servir à quelque chose, et n'attendait que les ordres pour pouvoir agir. Savoir que les ordres arriveraient bientôt lui plaisait beaucoup.

En voyant Elliott se lancer à la poursuite de l’insecte, Shoei réprima un rictus. Elle se demandait parfois si les Faucheuses ne perdaient pas la raison, lorsqu’elles étaient soumises aux rayonnements H. Qui aurait l’idée de chasser les bestioles, si ce n’est pas sans avoir perdu une partie de son jugement ? Le léger craquement que la carapace de l’insecte émit lorsque Elliott l’annihila entre ses doigts la dégoûta légèrement. Elle en entendait de toutes les sortes, lorsqu’elle battait à mort des rebelles, mais les insectes, il fallait l’avouer, l’avaient toujours dégoûtée. Le rire d’Elliott faillit lui faire perdre son sang-froid déjà assez fragile. Elle haïssait sincèrement les hypocrites.

« Écoute bien, le lavé du cerveau, ce sont des mutants ces gens là. Faut pas leur faire confiance. Ils peuvent bien sembler inoffensifs, mais dès qu’ils auront repris confiance et qu’ils auront établi des camps, découvert leur pouvoir et qu’ils nous auront identifiés comme ennemis, j’ai l’impression que ça changera. » dit-elle, l’air menaçant, en dévisageant Elliott.

Paranoïaque ? Peut-être un peu.

« Pas mal, ton idée, le lessivé, mais si ça te retombe sur le nez, c’est pas notre faute, à nous. » renchérit-elle, levant progressivement le voile de menace qui planait au-dessus d’elle.

Elle détacha un moment son regard de la Faucheuse, et tenta d’observer le sommet de la chute d’eau. Shoei en fut incapable, même en mettant sa main en visière au-dessus de ses yeux, mais le soleil était d’une telle intensité qu’elle dut rapidement mettre fin à son objectif. Elle rebaissa la tête, de fixa un moment Elliott.

« Alors, sinon, ça te plaît, ton éternelle servitude ? » demanda-t-elle, moqueuse.

Elle savait bien que les Faucheuses servaient l’Ogma de leur plein gré, mais elle se permettait toujours de douter. Qui aurait envie qu’on bidouille leur corps, qu’on leur implante un pouvoir et qu’on les fasse travailler sans relâche ? Bon, okay, elle-même était un peu beaucoup bidouillée et possédait un pouvoir, mais elle comprenait bien ce qu’elle voulait dire.

"Oui, ils sont peut-être un peu mutants, bon, mais alors? Ils t'effraient ou quoi? Ils ont peur, c'est clair, et même si ils finissent par s'organiser, la peur reste là. Ils ne savent pas de quoi ils ont peur, en fait. Pour l'instant, c'est surtout le terrain inconnu et sauvage qui les effraient. Ils ne savent même pas que nous existons. Nous, on connais déjà l'île, on a des cartes, on a pu s'y promener avant eux, et surtout, on sait à quoi s'attendre. Eux, quand ils sauront que nous sommes là, nous aurons déjà de l'avance sur eux. Nous connaîtrons déjà beaucoup d'eux, et eux auront besoin de temps pour nous analyser. Ils ont beau avoir des pouvoirs eux aussi, mais nous sommes beaucoup plus puissants qu'eux, et nous avons des armes. Je vois mal comment ils pourront nous tenir tête bien longtemps. On les aura, je les attends." Dit-il en se lèchant déjà les lèvres, à l'idée d'écraser ces petits instectes.

*Tiens, j'ai l'impression d'être drôlement intelligent aujourd'hui. Pourquoi je suis pas dans les Gilgatrucs, moi aussi? Quoi que... au fond, ça me plait bien d'être ce que je suis, leur petite bête de compagnie, surtout lorsqu'ils ont peur qu'on se rebelle.*

Il regarda la jeune femme qui regardait la chute. Ceci lui donna une idée. Il se releva, et commença à enlever sa veste.

"Ben, bien sûr que ça me plait! On a plus de pouvoir, de force et de plaisir que les petits employés nuls d'Ogma, et moins de travail chiant que vous. Je vois pas pourquoi je me plaindrais. Et puis, c'est clair que je préfère être ici à exécuter des ordres qu'être là-bas, avec ces petits survivants si faibles et si terrorisés à me faire ch*er pour essayer de survivre. Ici, on est fort, on a à manger, un bon endroit pour dormir, et en attendant les ordres, on s'amuse bien." Il retira son foulard, puis son t-shirt. "Non, je crois que ça pourrait pas être mieux. Même avant le gros boum, c'était pas mieux. Je vivais dans la rue, sans but. Et pis, je regrette personne, j'ai de la chance. Depuis cette bombe, tout va pour le mieux pour moi. J'ai la plus belle vie que j'aurais pu avoir. Me reste plus qu'à me caser, mais c'est pas nécessaire. Je pourrai sans doute m'amuser un peu avec des survivantes... mais je serai sans doute trop occuper à leur taper dessus" Dit-il amusé.

Laissant sa faux sur le rocher (il n'aurait pas de mal à la récupérer si quelqu'un tentait de la voler), il plongea dans l'eau. Tous ses sens s'affolèrent, surtout le touché, mais il adorait cette sensation. Son corps semblait vouloir paniquer, mais sa volonté le forçait à se calmer. Il resta en suspension dans l'eau pendant un bon moment, les yeux fermer, jusqu'à ce que son rythme cardiaque reprennent une fréquence sormale, et il retourna à la surface. Il rit, en dégageant des mèches de cheveux de son visage, et il regarda la membre de Gilgamesh.

"Wouaaah, elle est bonne. Tu devrais venir!"

Shoei fut offusquée par l’accusation d’Elliott. Elle n’avait peur de rien ! Pourquoi aurait-elle soudainement une crainte excessive de simples survivants ? Elle disait seulement de ne pas les sous-estimer. Mais peut-être les surestimait-elle, aussi… Malgré son orgueil, elle dut avouer que la Faucheuse avait bien raison. Ils étaient terrorisés, et nécessitaient de l’aide, de l’aide qu’ils n’auraient jamais. À moins d’une trahison, mais personne n’aurait envie de mourir simplement pour aider des rescapés… Il était tout aussi véridique que l’Ogma avait beaucoup de choses qu’eux n’avaient pas. Des armes, des guerriers, une connaissance parfaite de l’île (ou du moins c’était ce qu’ils pensaient), des connaissances stratégiques, des connaissances scientifiques… Et surtout, une puissance incontestable.

« T’as peut-être raison, p’tit gars. Je cogiterai là-dessus. » promit-elle, avec un léger sourire amusé.

L’experte en corps à corps n’insista pas sur le spectacle d’Elliott se déshabillant. Il n’était pas tant plus jeune qu’elle, mais elle ne s’y intéressait tout bonnement pas. Elliott parla alors de sa condition de Faucheuse, et la jeune femme ne l’écouta que d’une oreille distraite. Lorsqu’il parla de se caser, Shoei réprima un rire tintamarresque. Jamais elle ne croirait que ce petit monstre réussirait à se caser ! Quand il plongea, Shoei reçut quelques gouttelettes d’eau : rien de bien alarmant, mais même si elle aimait nager, elle haïssait recevoir de l’eau contre son gré. Elle rigola encore un peu mentalement des paroles de la Faucheuse, avant de recevoir l’invitation de sa part. Elle regarda autour d’elle, par habitude. Il n’y avait, évidemment, personne. Elle hésita un moment, ne sachant pas si ça dérangerait son emploi du temps. Elle avait rendez-vous avec le Vice-Président, et y arriver trempée n’arrangerait pas son compte.

*Oh, tant pis. Il me recevra bien comme je suis.* songea-t-elle, avec un sourire malicieux, avant d’enlever son manteau, découvrant un t-shirt noir et des pantalons hyper moulants de la même couleur.

Elle n’aimait pas être gênée dans ses mouvements, alors elle portait toujours des vêtements serrés. Autre moment d’hésitation : devait-elle ôter ses pantalons ou les garder ? Elle opta pour les laisser là où ils étaient, et elle sauta à son tour dans l’eau, non sans une certaine grâce. Refaisant surface, elle renvoya ses cheveux par derrière, complètement trempée (évidemment), et s’assit sur une roche sous-marine qui permettait de laisser son torse hors de l’eau.

« T’as raison, le lessivé. Pas mal. » commença-t-elle, avec un léger sourire. « Fraîche, mais endurable. »

Ne sachant trop que dire, elle resta silencieuse, n’écoutant que le bruit de la chute.

La faucheuse observa la femme avec amusement, et curiosité. En fait, lorsqu'il lui avait proposer de sauter à l'eau, il n'avait pas vraiment cru qu,elle le ferait vraiment. Lorsqu'elle se leva et retira son par-dessus, ce fut une aggréable surprise pour Elliott, et un large sourire s'afficha sur le visage du jeune homme. Il l'a vit hésiter un moment, et en bon pervers qu'il était...

*Elle va enlever un autre morceau? Vraiment, elle va l'enlever? Aaahh... non. Ah zut! Dommage...*

Il la regarda plonger avec grâce, ne manquant pas d'admirer ses courbes féminines qui se présentaient si bien alors qu'elle allait entrer dans l'eau. Il prit le temps de la laisser sortir sa tête de l'eau et dégager ses cheveux, avant de lacher un long sifflement qu'elle entenderait très bien.

"Sexy!" Lança-t-il tout aussi fort, avant de s'éloigner rapidement, riant un peu, avant de se prendre les coups de la Gilgameshienne.

Vivant dans la rue, il en avait vu des jolies demoiselles passer, et avec la mode d'avant la GE, on voyait de plus en plus de bout de peau. Ses commentaires lancés comme ça à de belles inconnues effrayaient souvent celle-ci, au plus grand plaisir d'Elliott. Il y avait de quoi avoir peur de ce sans abris au regard louche et démenciel, trop souvent. Mais il n'avait jamais touché à l'une d'elle. Il avait bien eu deux copines, mais ça avaient été des relations un peu éphémères. En fait, Elliott n'avait jamais été amoureux, et il ne désirait pas vraiment l'être, bien que cette idée ne lui déplaisait pas. En attendant, il s'amusait bien. Et pour lui, la vie devait se résumer à ça: s'amuser. Comme un gamin.

"Oui mais bon, ça fait du bien, il fait chaud en pleine jungle, tu trouves pas?" Il ne savait pas si c'était à cause de ses sens, mais il avait toujours l'impression d'avoir chaud. L'eau fraîche lui faisait du bien. "Moi j'adore jouer dans l'eau. J'avais pas beaucoup la chance de le faire avant. Encore un avantage de cette bombe. Je me demande si c'est que moi que l'Ogma à rendu heureux. je vie la belle vie ici. Et toi, au fait, ça te plait bien? Tu l'aime bien ta nouvelle vie, où tu préfèrais l'ancienne?"

Détendue, Shoei ignorait si elle devait s’indigner du cri que lui lança Elliott ou si elle devait rigoler. Elle opta pour la rigolade : elle aurait aimé dire que c’était pour l’amadouer et ensuite mieux le manipuler en tant que Faucheuse et plus encore, mais en fait, c’était parce que, pour la première fois depuis longtemps, elle avait envie de rire franchement. Elle commença donc par un simple sourire bien sobre, puis dévoila ses dents de perle parfaitement alignées, et laissa échapper un rire cristallin qui n’allait pas du tout avec son allure de bourrin. Elle ignorait si elle était encore capable de rire : elle avait maintenant la certitude que oui. Shoei lui envoya quand même un peu d’eau, puis arrêta de rire, plutôt brusquement en fait.

« Absolument ! Il fait vraiment très chaud. » approuva-t-elle, en hochant la tête.

Il y avait longtemps que quiconque n’avait pas vu Shoei aussi détendue et réceptive aux plaisanteries. Elliott ne le savait peut-être pas, mais il avait de la chance. Sa question, par contre, la ramena à la réalité. Perdant son entrain, elle baissa la tête avant de raconter à la Faucheuse ce qu’elle voulait savoir.

« Bien sûr que ça me plaît, sinon je ne serais pas ici. » commenta-t-elle, amusée. « Mais disons que si je devais comparer cette vie-ci avec l’ancienne, je dirais que je préfère celle-ci de loin. Je n’ai jamais eu de vraiment bonne relations avec ma famille, moi et ma jumelle étions complémentaires et ne nous entendions que plus ou moins bien. Mon frère, quant à lui, ce n’est même pas la peine d’essayer de lui adresser la parole : on se déteste mutuellement, et naturellement. Ma mère est morte, et mon père… Je n’ose même pas songer à ce qu’il peut être devenu. » dit-elle tristement, ensuite. « Je me plais bien ici, j’ai un bon boulot, ce qu’on peut peut-être appeler des « amis » (elle fit le geste de guillemets avec ses doigts), un patron sadique… Disons que celui-là, je pourrais m’en passer. Enfin bref, tu vois, ici j’me plais bien. » fit-elle finalement en s’appuyant sur l’herbe.

Elle repensa à ses paroles un instant. Finalement, elle n’était peut-être pas si bien… Mais elle pouvait s’adonner à sa passion première vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et ça comptait beaucoup pour elle.

Il plissa les yeux lorsqu'il reçu l'eau. En fait, il était heureux de la voir rire, parce qu'en fait, il aurait plutôt cru avoir droit à un bon coup de poing. Il était heureux de s'être trompé, et aussi de la voir se détendre un peu. Il avait l'habitude de voir la Gilgameshienne très sérieuse, très droite et très brusque. Enfin, elle était encore un peu brusque en ce moment, mais au moins, elle riait. Elliott n'aimait pas voir ces airs affreusements sérieux, comme si le visage de chacun était figé dans du ciment. Il avait parfois l'impression d'être le seul à bien s'amuser, dans cet endroit. Si on ne pouvais même plus rire, alors là, ce serait vraiment l'enfer.

"Bon alors, ce que t'as laissé derrière te manque pas trop. Tant mieux! En fait, je crois que la grosse bombe, c'était comme une remise à zéro du compteur. C'était peut-être ça, la fin du monde. la fin du monde qu'on connaissait, mais ce qu'on savait pas, c'est qu'il y aurait la naissance d'un autre monde après. Question de donner une seconde chance à tout le monde. Wow, c'est presque philosophie ce que je dis là, non? Je pourrais devenir prof!" Il rigola un peu, avant de continuer. "Non mais, je crois que le mieux, c'est quand même ça, de remettre le compteur à zéro. Tout ne sera plus comme avant de toute manière, alors pourquoi s'apitoyer sur notre sort, hein? Vaut mieux tout oublier ce qui a eut avant. De toute façon, regarder en arrière n'a jamais aidé à aller de l'avant."

Tout en parlant, il s'était approché des roches qui bordaient le bord du cours d'eau. Il se hissa hors de l'eau, et après s'être remis de la sensation de l'air sur sa peau humide, avant de commencer à escalader un peu. Il ne monta pas au somment de la chute, mais se trouva à plusieurs mètres de la surface de l'eau lorsqu'il s'adressa à la jeune femme.

"J'ai quitté la rue pour devenir au sommet de la chaîne alimentaire!"

Il leva les bras vers le ciel, et éclata d'un rire puissant, presque dément, avant de plonger. Il adorait faire ça, ce changement de sensation si brusque sur sa peau était vraiment très étrange, il n'arriverait pas à le décrire à quelqu'un. Mais il adorait ça. Il sortie sa tête de sous l'eau, et dégagea ses cheveux de son visage en riant encore.

Shoei resta de nouveau silencieuse, songeant, comme en état d’hypnose, à sa famille disparue. Du moins, disparue de sa vie, pour un bon moment. Liam, son père, qui était probablement sur l’île, devait lui aussi être terrorisé, et avoir envie de retrouver sa femme, son fils et ses deux filles. Mais Shoei ne voulait pas le revoir.
Sa mère, Hoa Lê, qui malgré la déflagration, semblait toujours être vivante. Shoei n’avait qu’un sentiment neutre à son égard, mais regrettait tout de même de ne pas la voir une dernière fois. Myles, le cas d’asocialité, qui devait être enfermé à double tour dans un laboratoire, bien calé dans une grosse chaise bien moelleuse à chercher d’autres façons de faire muter artificiellement des Faucheuses, ou encore à bidouiller le corps d’un autre futur membre de l’Unité Gilgamesh… Comment elle pouvait le haïr, comment elle aurait voulu pouvoir elle-même briser sa nuque, en faisant bien attention de le faire souffrir le plus possible…
Et Eileen… Sa si chère et hypocrite sœur jumelle… Celle qui faisait toujours semblant de bien l’aimer, celle qui était si gentille, si serviable, si sociable, si… parfaite… Shoei fronça les sourcils sans vraiment s’en rendre compte, en fixant les vagues de la source. Puis, les paroles d’Elliott la réveillèrent, et elle le fixa, l’air sombre.

« Ouais. On peut dire ça. » fit-elle simplement, la voix rauque.

La théorie de la remise à zéro fit frissonner Shoei. C’était peut-être vrai, peut-être la bombe n’était pas une malédiction, mais bien une bénédiction, qui permettait à ceux qui le méritaient une nouvelle vie… La vie après la mort, la mort du monde moderne, la mort des espoirs technologiques… Elle esquissa un sourire sans volonté à Elliott lorsqu’il rit.

« Je sais pas… J’aurais presque envie de retourner à mon ancienne vie. Terne et sans intérêt, rien à voir avec celle-ci, mais tellement rassurante… La merveilleuse sensation de routine, le train-train quotidien, métro boulot dodo quoi… Il me semble que cette impression de bien-être, d’être enveloppée dans un cocon de réconfort qui lui est si particulière… » fit-elle alors qu’Elliott grimpait le long de la chute. Ses paroles la firent tout de même sourire.

« Je ne sais tout de même pas si tous nous entasser sur une île est une bonne idée. » continua-t-elle en hochant la tête. « Avec des débiles psychopathes cobayes d’expérimentations, et nous, une élite de forces spéciales meurtriers, j’y comprends plus rien. »

Elliott fut encore une fois déconcentré par un insecte qui bourdonnait autours de sa tête, alors qu'il essayait de porter attention sur la Gilgameshienne. Mais rien à faire, ses yeux et ses oreilles n'écoutait que ce petit insecte, que la faucheuse finit par envoyer balader du revers de la main. Et puis enfin, il put répondre à la jeune femme.

"La sécurité de la routine n'est pas une bonne chose, à mon avis. On oubli trop la chance qu,on a de vivre, je crois qu'on oubli même qu'on vit vraiment, et qu'un jour, ce sera terminé. Regarde les animaux, ils n'ont pas vraiment de routine chaque jour. Ils luttent pour survivre, parce que eux, ils ont pas de médecins pour guérir des maladies, ils ont rien pour se protèger des prédateurs autre que leurs propres capacités. À force, les humains ont oublié ça, ils sont passé par dessus la sélection naturelle, et ils ont arrêté leur évolution. La bombe leur a donné cette évolution en un coup, et maintenant, c'est aux humains d'apprendre à survivre. La plupart des faibles sont déjà mort, dans l'explosion. Maintenant, les faibles qui restent encore sur l'île vont y mourir, les malades seront probablement laissé derrière, parce qu'ils retarderont les autres. Il ne restera plus que les plus forts. Au fond, je comprend pourquoi l'Ogma a fait ça. On retourne à zéro, pour pouvoir aller plus loin."

Il rit un peu.

"Nous on a de la chance, on est déjà tout en haut, parmis les plus forts. On va que les aider un peu dans leur sélection naturelle."

Puis, il s'approcha, fronçant les sourcils, mais restant toujours très amusé.

"Attend là, c'est qui que tu traites de débile psychopathe cobaye d'expérimentation, hein? Et vous un élite de force spéciale bla bla bla!" Lança-t-il avant de lui envoyer en pleine figure une jolie vague d'eau.

Shoei écouta Elliott d’une oreille distraite. Elle pensait de plus en plus au devoir qui l’appelait. Elle ignorait si le vice-président serait là lorsqu’elle arriverait… en retard. Mal à l’aise, elle réussit tout de même à capter quelques bribes des paroles de la faucheuse. Elle n’avait pas non plus envie de commencer un débat sur l’utilité d’une « deuxième vie ». Elle se leva donc sur les rochers immergés, et sortit de l’eau, ses vêtements complètement collés sur son corps.

« J’ai pas trop envie de m’étendre sur ce sujet. » déclara-t-elle finalement. « Ça me fiche les boules parler aussi philosophiquement. »

Elle devait avouer qu’elle aurait largement préféré rester sous la cascade avec la Faucheuse, mais elle n’avait pas trop le choix. Ce qu’elle aurait donné pour ne pas avoir d’obligations, parfois, ça dépassait l’entendement humain. Elle revêtit son manteau long foncé, quoique sans l’attacher, et se tourna vers Elliott.

« Toi. » dit-elle, avec un petit sourire, très honnêtement. « Bon c’est pas tout p’tit démon, mais le devoir m’appelle. » poursuivit-elle avec un air amusé. « Pas que ça m’amuse, mais faut c’qui faut. » fit-elle enfin en enlevant l’excès d’eau de ses longs cheveux noirs.

Elle lui tourna le dos à regret, déçue, et s’enfonça dans la dense jungle Ruadhanienne.

(Erfouille, pas très long T.T Désolée)